Valorisation des déchets organiques du manioc dans la commune de Zè au sud du Bénin

Objectif n°15 : Ecosystèmes terrestres

Le projet en détail

Le gari (farine de manioc) et ses dérivés ont une importance socio-économique considérable au Bénin. Ils constituent l’un des principaux aliments de base des populations et contribuent à l’autosuffisance alimentaire dans le pays.Au sud du Bénin, on dénombre par centaines les femmes transformatrices du manioc qui s’associent en groupement. La cuisson du gari (garification) est assurée avec la combustion du bois de chauffe Figure 1). Elle nécessite en moyenne 1,30 à 2,40 kg de bois/kg de gari produit selon le type de foyer. Aussi, faut-il en moyenne 30 heures-femme pour la collecte et le ramassage du bois.

Les conditions de vie de ces femmes sont donc difficiles, dues notamment à la collecte de la biomasse, mais aussi du danger qu’elles encourent pour leur santé. En effet, ces femmes sont exposées pendant près de 10 heures par jour aux fumées générées par la combustion du bois de chauffe. Ces fumées sont composées de différents polluants gazeux tels que le monoxyde de carbone, le dioxyde de soufre, les oxydes d’azote, les carbures d’hydrogène, etc. qui peuvent entraîner des maladies respiratoires comme les bronchites chroniques, les cancers pulmonaires, les maladies cardiovasculaires et oculaires.

Figure 1 : Cuisson du gari au feu par le groupement Hontongnon dans la commune de Zè

Cette dépendance au bois de chauffe a également de nombreux effets néfastes sur l’environnement local et mondial : déforestation ; diminution de la fertilité des sols; changement climatique. Des espèces ligneuses sont perdues et le phénomène de déforestation, ajouté aux feux de brousse, conduit à la dégradation de l’écosystème terrestre.

Des solutions doivent donc être apportées afin de libérer ces femmes de la tâche chronophage et épuisante qu’est la collecte de bois, de réduire les risques de maladies, d’augmenter leurs revenus, et ainsi d’améliorer leurs conditions de vie et de préserver l’environnement. L’installation d’une unité de production d’une énergie propre constituerait donc une opportunité pour ces groupements.

Activité phare du projet :

mise en place d’un biodigesteur pour la production du biogaz pour la diversification des sources d’énergie des groupements de transformation de manioc

Un biodigesteur est une installation dans laquelle est produit le biogaz, à partir de la décomposition anaérobique de la matière organique sous l’action des micro-organismes (Figure 2). Le biogaz produit est composé principalement de méthane (CH4 : 55 à 85%), de gaz carbonique (CO2 : 25 à 45%), et de traces d’autres gaz (eau, azote, d’oxygène et hydrogène sulfuré).

Figure 2 : Fonctionnement d’un biodigesteur agricole

Le biogaz produit est multi-usage et peut être utilisé pour satisfaire les besoins en chaleur, électricité ou force motrice. Toutefois, la production de biogaz dans le présent projet vise principalement les besoins en chaleur liés à la cuisson du gari et ses dérivés.

Les matières organiques utilisées pour la production du biogaz sont généralement de diverses natures: résidus de transformation agroalimentaire, déjections animales, déchets ménagers, eaux usées… qui peuvent être utilisées seules ou en mélange. (le plus recommandé).

Les activités de transformation du manioc en gari et ses dérivés menées par les groupements de femmes génèrent des quantités importantes de déchets organiques. Par exemple, 1 kg de manioc transformé génère 0,6 kg de pelures. Le potentiel biométhanogène de ces pelures de manioc est 0,267 Nm3 de méthane (CH4)/kg de matières volatiles (MV) contenues dans ces déchets (Lacour et al., 2011)[1]

Par ailleurs, ces groupements de femmes s’adonnent à d’autres activités complémentaires, telles que l’élevage de volaille, la production d’huile de palme; ce qui constitue une autre source de déchets valorisables pour optimiser le procédé de bio digestion. Par exemple, le potentiel de production de biogaz des fientes de poulets brutes est estimé à 0,065-0,116 m3 de biogaz/kg de déchet (IEPF, 2012)[2].

Hormis le biogaz, la dégradation anaérobie produit un résidu humide riche en éléments nutritifs pour les plantes, appelé digestat, une sorte de boue à faible taux de matière sèche.  Pour ainsi maximiser les bénéfices du biodigesteur, le digestat sera utilisé comme biofertilisant après une phase de maturation par les bénéficiaires dans leurs propres champs et aussi vendu à d’autres agriculteurs. Ce qui permettra d’augmenter les revenus de ces femmes et de contribuer à la régénération de la fertilité des sols appauvris par l’usage d’engrais chimique.

Impacts du projet

Outre l’utilisation du biogaz pour satisfaire les besoins énergétiques, les impacts de ce projet à travers la mise en place de l’unité de bio-méthanisation sont d’ordre sécologique, agronomique, économique et social.

Avantages écologiques

La valorisation de ces déchets organiques permettra de réduire la consommation du bois tout en réduisant les coûts de production du gari, et de contribuer à la lutte contre la déforestation et les changements climatiques. En effet, 1 m3 de biogaz brûlé dans un foyer d’une efficacité énergétique comprise entre 50-60% équivaut à 5,5 kg de bois de chauffe. Un biodigesteur d’un volume de 10 m3 permet d’économiser 16 -20 kg de bois combustible par jour (IEPF, 2012).

Elle constitue également un moyen de gestion durable des déchets organiques en réduisant le problème le problème de l’évacuation des ordures.

Avantages agronomiques

Le développement du bio-méthane augmente la quantité et la qualité d’engrais organique. Après fermentation des matières organiques (les déchets animaux, les résidus végétaux, etc.) dans le digesteur, l’azote contenu dans les résidus se retrouve en concentration relative souvent très élevée et se transforme en une forme ammoniaquée plus facilement assimilable par les plantes et les éléments minéraux nutritifs persistent. L’impact de l’utilisation de l’effluent sur les rendements des cultures est appréciable. A titre indicatif, une étude réalisée au Sénégal a montré que le rendement de production du maïs avec l’effluent séché est supérieur (6,02 tonnes) celui de la production avec l’engrais chimique (5,68 tonnes). Il en est de même pour la production de la tomate avec un rendement de 27,7 tonnes pour l’engrais chimique et de 38,87 tonnes pour l’effluent liquide (Réseau climat et développement, 2014).

Avantages socio-économiques

La mise en place du biodigesteur améliorera la santé et la qualité de vie des bénéficiaires surtout les femmes et filles déscolarisées à travers la réduction des maladies oculaires et pulmonaires dues aux fumées, la réduction du temps de collecte du bois de chauffe. Par ailleurs, il permettra de supprimer les insectes des fosses de stockage des déchets et des odeurs.

En outre, le projet permettra d’augmenter les revenus des femmes et de réduire les charges financières liées à l’achat d’engrais minéraux.

Eu égard à ce qui précède, l’objectif du présent projet est de contribuer à un développement économique des groupements de femmes transformatrices de manioc tout en préservant l’environnement et la santé des transformatrices.  

Choix technologique

L’unité de biométhanisation sera constituée des éléments suivants :

  • Cuve de stockage des déchets organiques : la production d’intrants varie selon les saisons. Ils doivent être conservés parfois pour plusieurs jours et idéalement à l’abri de l’air et au frais pour conserver leur pouvoir méthanogène ;
  • Pré-fosse de broyage et de mixage des déchets bruts pour les rendre homogènes et pâteux afin d’accélérer la vitesse de biodégradation ;
  • biodigesteur muni d’un dispositif de stockage du biogazqui est le cœur de l’unité. Il doit êtred’un volume adapté au besoin des bénéficiaires, d’un niveau élevé de sécurité, d’une longue durée de vieet d’un un coût assez compétitif.
  • Bassin de récupération et de maturation des extrants (digestat)

On distingue généralement trois (3) types d’installation selon la capacité de production: les unités industrielles ou centralisées; les installations fermières et les biodigesteurs domestiques ou familiaux objet du présent projet qui vise à mettre en place un système pilote. Ces derniers sont des unités d’une taille généralement comprise entre 2 et 20 m3.  Dans le cadre de ce projet, il est retenu une installation d’une capacité de 20 m3 estimée suivant les paramètres techniques présentés dans le tableau 1.

Tableau1 : Paramètres d’estimation du volume du biodigesteur

Quant à la conception du digesteur, il existe trois (3) modèles qui se distinguent selon le type de :

• stockage du gaz : dôme flottant, qui se déplace avec la production et la consommation du biogaz, ou dôme fixe, à volume constant ;

• chargement de la matière organique : continue ou discontinue ; dans ce dernier cas, le digesteur est chargé, puis scellé, et vidé quand la production de biogaz est terminée;

• construction : enfouis dans le sol ou installés en surface (ils sont alors en acier, PVC, ou film plastique).

Cependant, dans les pays en développement, le modèle le plus vulgarisé est le GGC (Gobar Gas Commission) à dôme fixe mis au point au Népal, inspiré du modèle chinois développé et construit en Chine dès 1936. Il se compose d’un compartiment de maçonnerie de briques enterrées (chambre de fermentation ou digesteur) avec un dôme au-dessus pour le stockage de gaz. Dans cette conception, le digesteur et le dôme de stockage de gaz sont combinés en une seule unité. La durée de vie d’un bio digesteur à dôme fixe est longue (plus de 20 ans) par rapport à la conception avec tambour flottant. De plus, la structure enterrée offre une construction solide, réalisée avec des matériaux locaux disponibles sur place. Sa structure ne présente aucune pièce mobile et permet de garder une température interne stable. Sa construction permet un gain d’espace et demande peu d’entretien.

Toutefois, avec les avancées technologiques, un modèle nommé OMD (Organic Matter Digester) 2012 inspiré de ces précédents modèles a été mis au point au Bénin et a reçu un brevet. Depuis 2018, il a apporté la preuve de sa qualité et sa fiabilité dans plusieurs projets initiés par l’agence de coopération néerlandaise (SNV). En effet, comparativement aux autres modèles, OMD a connu une amélioration de la capacité de stockage permettant un meilleur traitement de la matière organique avec une limitation des dégagements d’odeur. De même, il nécessite peu de maintenance et limite les problèmes de fuites de gaz. Sa conception avec des matériaux locaux engendre un gain du coût d’investissement de 25% avec une durée de vie estimée à 25 ans.

A la lumière de ce qui précède, le choix opéré pour la mise en place de ce système pilote porte sur un bio digesteur de 20 m3 destiné à recevoir divers types de déchets organiques notamment des déchets de manioc, des fientes de poulets, des tourteaux de palme, etc. Sa conception sera basée sur le modèle OMD 2012, de type dôme fixe en béton enterré et muni d’un dispositif de stockage complémentaire permettant d’assurer le besoin journalier prévisionnel en énergie propre.

Résultats attendus

Les principaux résultats attendus de ce projet sont :

  • 100 personnes (femmes/hommes/filles) ont été sensibilisées sur la déforestation, le reboisement des arbres et les impacts de l’utilisation des engrais chimiques sur l’environnement,
  • 320 plants d’arbres sont mis en terre ;
  • 60 femmes productrices de gari représentant 20 groupements de femmes de la commune de Zè ont été formées à la technologie de transformation des déchets organiques de manioc en biogaz ;
  • 1 unité pilote de production de biogaz est conçue et opérationnelle au sein du groupement Ayiminanzé 2 ;
  • la consommation en bois de feu du groupement est réduite de 50 %.
  • 10 producteurs de manioc ont adopté les résidus de production de biogaz comme engrais.
  • les revenus des femmes ont augmenté de 15 %.

Bénéficiaires

Trois cent cinquante (350) femmes transformatrices de manioc (soit 16-17 femmes x 20 groupements) de la commune de Zè sont les bénéficiaires directs du projet.

Ils prendront part aux installations soit en participant aux travaux notamment pour creuser la fosse, soit en fournissant une partie des matériaux, comme de l’eau déjà disponible sur le site.

Activités prévues et estimation budgétaire

A1 : Sensibiliser 100 personnes (femmes/hommes/filles) sur la déforestation, le reboisement des arbres et les impacts de l’utilisation des engrais chimiques sur l’environnement  : 1 450 euros

A2 : Mettre en terre 320  plants d’arbres : 1 185 euros

A3 : Former 60 femmes productrices de gari de la commune de Zè  à la technologie de transformation des déchets organiques en biogaz : 1 300 euros

A4 : Installer d’une (01) unité pilote de production de biogaz au sein du groupement Ayiminanzé : 5 550 euros

A5 : Initier les bénéficiaires à l’utilisation  du biogaz pour la cuisson du gari : 80 euros

A6 : Traiter le digestat pour son utilisation en agriculture : 40 euros

Total : 9 605 euros

Le projet a été financé à hauteur de 9000 euros par lInstitut de la Francophonie pour le développement durable dans le cadre de son initiative Objectif 2030. Les ressources complémentaires sont mobilisés par l’ONG Afrique Espérance.

À l’origine du projet

L’ONG « Afrique Espérance » est créée au Bénin le 16 décembre 2013 et est en bonne voie d’être accréditée par la Convention Cadre des Nations Unies pour le Changement Climatique (CCNUCC) en tant que structure observatrice lors des Conférences des Parties (COP) qui a lieu chaque année. Elle travaille essentiellement dans 5 domaines à savoir: (i) la promotion et la valorisation de la culture noire ; (ii) le développement socio-économique et culturel en Afrique ; (iii) la promotion des droits de l’Homme et la démocratie, (iv) le développement du « secteur vert » et la responsabilité sociétale des entreprises et enfin (v) la prévention la gestion et la résolution des conflits en Afrique.

Activiste pour l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD), l’ONG a travaillé de concert avec les experts béninois ayant eu la lourde tâche d’évaluer les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD de 2000-2015) et d’en faire des propositions pour l’adoption des ODD.

De 2017 à nos jours, elle a participé à plusieurs éditions des fora AFRICAN CARBON FORUM ACF (2017 à Cotonou, 2018 à Nairobi et 2019 à Accra) CLIMATE CHANCE (2017 à Agadir, 2018 à Abidjan et 2019 à Accra), et AFRICAN YOUTH LIVESTOCKS FISHERIES AND AQUACULTURE INCUBATORS NETWORK (AYL FAIN 2018-2023) sous la bannière du CLIMATE SMART AGRICULTURE YOUTH NETWORK (CSAYN) qui est issu du GLOBAL CLIMATE SMART AGRICULTURE/ FAO. Cet important projet continental a été financé par l’Union Européenne et piloté par le Bureau Inter Africain de Ressources Animales  (UA IBAR). Nous avions eu la chance d’être retenu comme Project Manager pendant deux (2) mois.

Toutes ces initiatives sont de véritables creusets d’information, de réflexions, et de renforcement de capacités sur les actions de lutte contre les changements climatiques pour le développement durable.

Dans cette optique, l’ONG a initié au plan national des activités de sensibilisation sur les effets du changement climatique et les comportements citoyens à adopter dans plusieurs communes, de traduction et diffusion des ODD dans les langues locales du Bénin. De même, à travers le projet « gnindoche ni min » en langue fon qui veut dire « rendre propre mon environnement le plus proche » dont la phase pilote avait démarré en 2018, l’ONG a appuyé des groupements de femmes en équipements de salubrité. Toujours dans le souci de poursuivre des actions concrètes pour l’atteinte de ses objectifs, elle s’est spécifiquement penchée dans le présent projet sur sa contribution à accompagner les groupements de femmes dans l’amélioration de leurs conditions de vie. En effet, à travers ce projet pilote, elle vise à les former à       la valorisation des déchets organiques qu’elles produisent pour satisfaire les besoins en énergie liés à leurs activités.

Par ailleurs, pour développer également ses activités sur le plan international, l’ONG a reçu, par le biais du comité en charge des ONG lors de sa session régulière tenue du 20 au 29 janvier au Siège des Nations Unies à New York, une recommandation à elle faite à l’adresse du Conseil Economique et Social des Nations Unies (ECOSOC-UN) en vue de l’octroi du Statut Consultatif Spécial.

Aider ce projet

L’initiative « Objectif 2030 » vise à créer des communautés de solutions autour de projets concrets en matière de développement durable. Elle fournit notamment une plateforme participative de financement et d’appui technique.

Vous pouvez contribuer au projet en remplissant le formulaire sur le lien suivant en cliquant ICI

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